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Le filtrage des investissements étrangers : entre protection des intérêts européens et attractivité du Vieux Continent

A l’heure où les nouveaux protectionnismes fleurissent au détriment des entreprises européennes (politique douanière américaine, protectionnisme chinois, reprise des sanctions sur l’Iran etc.), l’Union Européenne imagine pour la première fois un mécanisme de filtrage des investissements étrangers sur son sol, près de 30 ans après la création aux Etats-Unis du Committee on Foreign Investment (CFIUS).

A l’automne 2017, la Commission a présenté un projet de règlement visant à instaurer un cadre européen pour les mécanismes nationaux de filtrage des investissements en provenance de pays tiers, approuvé le 28 mai dernier par la commission du commerce internationale du Parlement européen.

Contrairement au mécanisme américain, qui opère un contrôle unique au niveau fédéral, il s’agit pour la Commission d’harmoniser les procédures de filtrage que les Etats membres restent libres d’instaurer sur leur territoire (comme l’illustre, pour la France, le renforcement du contrôle prévu par le projet de loi Pacte), les prérogatives de la Commission européenne étant limitées au contrôle des investissements présentant un intérêt pour l’Union.

Le texte procède de la recherche d’un équilibre délicat entre les différentes sensibilités des Etats membres sur la question de la protection de leurs intérêts légitimes et de leur attractivité pour les investisseurs étrangers. Le projet énonce néanmoins quelques principes auxquels les Etats membres devront se conformer dans leurs politiques de filtrage : absence de discrimination, prévisibilité et transparence de leur politique, possibilité d’un recours juridictionnel pour l’investisseur.

Ces principes sont assez éloignés du pragmatisme du système américain : outre qu’il repose sur le concept assez flou de « sécurité nationale », il ne connaît aucune ligne directrice, de façon à laisser la plus grande latitude aux pouvoirs publics. C’est ainsi qu’ils ont pu bloquer le rapprochement proposé par Broadcom (Singapour) avec Qualcom, au motif d’une baisse supposée des investissements en R&D qui en  serait résultée, susceptible d’affaiblir les Etats-Unis dans le développement de la technologie 5G. Le lien avec la « sécurité nationale » paraît ici très indirect.

L’absence de tout recours juridictionnel pour l’investisseur étranger, de même que la possibilité offerte au Président des Etats-Unis d’interdire un investissement déjà réalisé, témoignent encore d’une volonté des Etats-Unis de conserver une maîtrise totale des investissements étrangers.

A l’inverse, la Commission européenne entend favoriser une forme de prévisibilité pour les investisseurs étrangers, tant en ce qui concerne les domaines d’activité visés que l’esprit du contrôle, toute discrimination fondée sur le pays d’origine de l’investisseur étant notamment prohibée.

Si le projet ne fait pas encore l’unanimité, la coopération entre Etats membres qu’il tente de promouvoir est louable. On peut néanmoins se demander si sa philosophie ne traduit pas une forme de candeur dans la vision qu’il porte du commerce mondial actuel.

Christophe Perchet

Managing partner, Perchet Rontchevsky & Associés
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